« Elle », c’est Mirana Hantasivelo Ralison ou « Manohery Farmer » sur les réseaux sociaux. Cela fait maintenant une demi-douzaine d’années qu’elle se voue corps et âme à sa passion qu’est l’agriculture. Pourtant, notre jeune trentenaire n’a pas toujours été une femme des champs. Il y a plus d’une décennie de cela, après avoir obtenu son master en Economie à l’université d’Antananarivo dans l’option
« Développement », notre citadine de pure souche a tout de suite intégré une grande banque locale et y a gravi les échelons pour arriver à un poste à responsabilité. Une carrière académique et professionnelle toute tracée à laquelle la jeune femme a quitté au bout de quelques années pour « se tourner vers l’exploitation des richesses de la terre », comme elle le répète souvent.
« Du temps où je me concentrais sur mes études à la faculté DEGS et après que je sois entrée dans le monde de la finance, j’accompagnais juste mes parents de temps en temps à la campagne pour me changer les idées. Eux, à l’époque, étaient déjà dans cet état d’esprit où le fait de se ressourcer à travers les travaux manuels dans les champs s’avérait indispensable. Au décès de mon père, le déclic m’est venu et où l’importance de l’épanouissement personnel pouvait aussi s’agencer au développement côté professionnel. A partir de là, j’ai quitté le confort du bureau d’un gestionnaire de banque pour chausser les bottes à la ferme et tenir une pelle dans les champs », nous raconte-t-elle avec nostalgie.
Elle a donc commencé à apprendre le métier d’agricultrice directement sur le tas, tout en y agrémentant son apprentissage avec ses expériences en développement. « Au début, grâce à mon réseau professionnel dans la finance, nous avons pu décrocher des contrats d’approvisionnement en légumes et autres produits fermiers pour une grande société implantée dans la Région d’Atsinanana. Nous n’arrivions pas à produire la totalité des besoins de cette société. Toutefois, nous travaillions en collaboration avec les paysans pour combler les commandes. J’apprenais alors les rouages de la culture et de l’élevage auprès de ces paysans qui sont devenus nos voisins à présent. Et en retour, j’usais de mon expérience en développement et en commerce pour leur inculquer les valeurs des normes exigées par le client ainsi que les techniques de vente adéquates pour écouler convenablement notre production sur le marché ».
Passion éreintante
« Il est difficile de vivre de sa passion à Madagascar. Mais cela pourrait se réaliser possible si l’on a avec beaucoup de persévérance. En effet, la transition entre le statut de bureaucrate et celui d’agriculteur ne se fait pas sans difficultés. Raison pour laquelle, je me retrouve en ce moment dans l’obligation de combiner d’autres activités professionnelles annexes avec le travail agricole », enchaîne-t-elle. En effet, le domaine d’activité qu’elle a choisi est loin d’être de tout repos tant en termes de finance qu’en matière d’énergie et de temps. « Le travail des champs est évidemment très éreintant. Rien qu’à l’exemple de la culture où il faudra patienter au minimum e trois mois pour voir les premières récoltes après avoir planté les graines. La question de débouchés reste aussi un problème majeur pour les paysans producteurs. Il y en a qui se retrouve en surproduction au moment des récoltes alors que les moyens de stockage ne conviennent pas. Dans cette situation, ce sont toujours les collecteurs qui tirent leur épingle du jeu. Ces derniers achètent tout au plus bas prix, que ce soient les légumes, le riz et d’autres produits », déplore notre jeune fermière.
Le riz, une valeur sûre
« L’inflation est une chose à laquelle tous les investisseurs doivent faire face. Investir dans le riz est un moyen de s’en protéger. L’inflation, c’est quand l’argent perd de sa valeur avec le temps. A mesure que le taux d’inflation augmente, la valeur des produits agricoles comme le riz augmentera également. Raison pour laquelle nos efforts sont en grande partie focalisés sur la production rizicole et plus particulièrement sur le riz noir qui commence à avoir le vent en poupe en ce moment sur le marché local, mais surtout au niveau international ».
« L’eau, c’est la vie »
Pour permettre leur croissance végétative et leur développement, les plantes ont besoin d’eau appropriée en qualité et en quantité, à portée de leurs racines et au bon moment. La plus grande partie de l’eau absorbée par une plante sert à transporter les nutriments dissous du sol jusqu’aux organes aériens des plantes, d’où elle est libérée dans l’atmosphère par transpiration : l’utilisation de l’eau en agriculture est intrinsèquement consommatrice. Chaque culture a des besoins particuliers en eau qui varient selon les conditions climatiques locales. Dans notre cas, il a fallu chercher des alternatives selon les moyens qu’on avait à disposition en construisant des petits barrages tout en renforçant les capacités de rétention d’eau de nos terrains à travers des processus de reboisement intensif.
Perpétuel apprentissage
Acquérir une connaissance par l’étude, la pratique et l’expérience. Etre animée d’une passion, d’une soif intense de découverte. C’est par ces principes que notre jeune fermière ne cesse de s’ouvrir à d’autres horizons, notamment en voyageant - une autre passion qui l’anime - pour renforcer son réseau.
« Parce que le fait d’apprendre est toujours utile. On ose étoffer ses capacités et ses compétences en se rappelant que la pratique est nécessaire. C’est une façon de s’enrichir personnellement, de partager et de se renouveler », nous confie-t-elle. En effet, étant donné que le monde ne cesse de devenir de plus en plus complexe, il est crucial d’apprendre constamment pour ne pas être dépassé et savoir gérer l’ambiguïté. Et pour cause, le niveau des compétences requis pour exercer une fonction, qu’on soit gestionnaire, médecin, comptable, avocat, livreur, ingénieur ou encore agriculteur est de plus en plus élevé dans ce cas-ci.
Dossier réalisé par Hary Rakoto